Jurisprudence


La jurisprudence au Québec relative aux droits des grands-parents

La jurisprudence relative aux droits des grands-parents au Québec se base principalement sur trois articles du Code civil :

Table des matières

1. RELATIONS ENTRE L’ENFANT ET LES GRANDS-PARENTS

1.1 Droit d’entretenir une relation entre l’enfant et les grands-parents

1.1.1 Motifs Graves

1.1.1.1 Exemple de motifs graves

1.1.1.2 Exemples de motifs qui ne sont pas des motifs graves

1.1.1.3 Fardeau de la preuve

1.1.2 Importance de l’opinion de l’enfant

1.1.3 Intérêt de l’enfant

1.1.4 Fréquence des contacts

1.2 Rôle des grands-parents

1.2.1 Cas spécial lors du décès d’un parent

2. GARDE

2.1 Attribution de la garde à un tiers

2.1.1 Déchéance de l’autorité parentale

2.1.2 Critère de l’intérêt de l’enfant

2.2 Garde par les grands-parents en cas d’incapacité parentale

3. ADOPTION

3.1 Filiation

3.1.1 Modification de la filiation lors d’une adoption

3.1.2 Exception pour favoriser l’intérêt de l’enfant

 

1. RELATIONS ENTRE L’ENFANT ET LES GRANDS-PARENTS 

1.1 Droit d’entretenir une relation entre l’enfant et les grands-parents

 

Extrait du juge Claude Bouchard dans le jugement Droit de la famille – 201095, 2020 QCCS 2470.

[21] Dans Droit de la famille-2216[1], le juge Jean-Pierre Sénéchal, j.c.s., reconnaissait l’importance dans le développement de l’enfant et l’enrichissement dont il peut bénéficier, du maintien de ses relations avec les grands-parents :

Par ailleurs, le tribunal reconnaît d’emblée que les contacts entre petits- enfants et grands-parents, comme le souligne avec raison la requérante, constituent une grande richesse, tant pour l’enfant, les grands-parents, que la société. Ils sont, à n’en pas douter, une grande source de joie, d’affection, d’apprentissage et de connaissance (réciproquement, d’ailleurs). Les contacts entre générations constituent en fait une source d’apports unique, non seulement précieuse, mais indispensable, et cela, encore une fois, tant pour les personnes impliquées que pour la société tout entière.

Extrait du juge Clément Trudel dans le jugement R. B. c. C. B., 2004 CanLII 40645 (QC CS).

 [15] Au soutien de leur demande, les grands-parents invoquent l'article 611 du Code civil du Québec qui se lit ainsi :

« 611.  Les père et mère ne peuvent sans motifs graves faire obstacle aux relations personnelles de l'enfant avec ses grands-parents.

À défaut d'accord entre les parties, les modalités de ces relations sont réglées par le tribunal. »

[16] Ils font aussi appel à l'article 33 C.c.Q. qui édicte :

« 33. Les décisions concernant l'enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits.

Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l'enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation. »

[17] En résumé, l'article 611 se veut le protecteur des droits des grands-parents et crée une présomption en leur faveur qu'il est dans l'intérêt des enfants d'entretenir des relations personnelles avec eux. Il incombe donc aux parents de démontrer des motifs graves tendant à renverser cette présomption.

[18] En l'absence de définition de motifs graves, cette tâche revient au tribunal. Il lui faut juger si des motifs graves justifient les parents d'entraver les relations personnelles entre les grands-parents et leurs petits-enfants.

[19] Commentant cet article 611, Mme la juge Louise Moreau s'exprime ainsi dans l'affaire L.(M) c. O.(M.), 2003, R.D.F. 218 (rés.) :

« 41. Une présomption considérable favorise donc le maintien des liens entre les grands-parents et les petits-enfants, puisque la Loi prévoit que les parents ne peuvent s'y opposer que pour des motifs graves.

42. Dominique Goubau, professeur à la Faculté de droit de l'université Laval a rappelé, dans son article écrit en 2011 que le droit moderne est caractérisé par la reconnaissance de plus en plus réelle de l'importance des liens affectifs entre les personnes.

43. Les Cours prennent en considération les liens d'affection et d'attachement comme facteurs décisionnels dans tous les domaines. Un facteur parmi d'autres de l'accentuation de ce phénomène est le contexte d'éclatement de familles et de transitions familiales multiples, où la préservation des liens d'affection apparaît comme un élément de stabilité et de mérite.

44. Donc, selon la présomption de l'article 611 du Code civil du Québec qu'il est dans l'intérêt de l'enfant d'avoir des relations personnelles avec leurs grands-parents, seule une preuve de motifs graves peut renverser cette présomption.

45. Mais qu'est-ce qui constitue un motif grave?

46. Un survol de la jurisprudence nous permet de constater que les relations tendues entre les parties est le motif de refus des parents le plus souvent invoqué.

47. Toujours selon le professeur Goubau sur ce point, la jurisprudence a développé deux tendances. La première, refusant des contacts afin d'éviter à l'enfant de se retrouver au centre du conflit d'adultes dont il ferait les frais. La deuxième tendance, accordant des contacts malgré le conflit disant que justement pour éviter que l'enfant soit victime des tensions entre adultes en le privant de voir ses grands-parents, sous prétexte que les adultes sont capables de régler leur différend.

48. Il résume ensuite comme suit :

« Au-delà de cette différence, la jurisprudence est cependant unanime sur le fait que l'absence de relations cordiales entre les parties ne constitue pas un motif grave. Et elle est quasi unanime sur le fait que l'existence de simples tensions entre les parties ne constitue pas en soi un motif grave au sens de la loi. Plusieurs jugements soulignent que même la présence d'un conflit grave entre les parties ne constitue pas nécessairement un motif grave mais que cette réalité doit être prise en considération au moment de l'aménagement des modalités des relations personnelles. En réalité, ce n'est pas tant l'existence d'un conflit qui importe, que l'impact actuel ou potentiel de celui-ci sur l'enfant. »

49. Il conclut en nous rappelant qu'une fois rendue devant les tribunaux, c'est que nécessairement il existe un conflit très important et une dégradation considérable des relations.

50. Donc, une fois la présence du conflit constaté, ce qu'il faut analyser. « Est-ce que ce conflit a ou aura un impact sur l'enfant »?

1.1.1 Motifs Graves

1.1.1.1 Exemple de motifs graves

 

Extrait du juge Jacques G. Bouchard dans le jugement Droit de la famille - 18646, 2018 QCCS 1331.

[4] Les parents invoquent des motifs graves pour s’opposer à la démarche de H... P.... 

[5] Ils expliquent que les communications avec H... P... sont totalement rompues depuis que celle-ci ait fait une tentative de suicide le jour même du premier anniversaire de Y, le [...] 2017.

[6] Ils ajoutent que les relations s’étaient graduellement détériorées au cours des années précédentes, principalement parce que H... P... ne respectait pas les consignes parentales dans ses rapports avec l’enfant X et qu’elle s’accaparait celui-ci au point où les parents avaient peine à rétablir leur propre relation et la routine de l’enfant après que H... P... eu passé du temps avec celui-ci.

[7] Malgré de nombreuses interpellations de M... M... auprès de sa mère, celle-ci n’a jamais amendé sa conduite.

[8] Au surplus, M... M... déclare que depuis la rupture avec sa mère, son fils X se porte beaucoup mieux. Surtout, elle dit craindre qu’une nouvelle tentative de suicide place ses enfants en danger, à telle enseigne qu’elle resterait constamment près d’eux pour les surveiller, advenant que le Tribunal fasse droit aux demandes de sa mère.

[9] Le père des enfants ajoute que H... P... tient des propos dénigrants à son égard, ce qui laisse présager que sa belle-mère ne peut que « monter » les enfants contre lui. Il relate d’ailleurs qu’une à deux journées étaient nécessaires à X pour retrouver son calme lorsqu’il revenait de chez H... P.... L’enfant était alors littéralement en rage contre lui et son épouse.

(…)

[20] Ainsi, il existe une présomption en faveur du maintien des relations entre un enfant et ses grands-parents. Ce sont en conséquence les parents qui ont le fardeau de convaincre le Tribunal qu’il existe des motifs suffisamment graves pour faire obstacle à ces présomptions.

[21] Notre collègue, le juge Bernard Godbout, j.c.s., dans une décision récente[2], rappelait avec sagesse ce qui suit :

[19] Les relations personnelles qu’un enfant a le droit d’avoir avec ses grands-parents ne doivent pas se faire au détriment d’un climat familial serein, si important au développement d’un jeune enfant.

[22] En l’espèce, une preuve fort probante a établie l’existence d’un conflit grave entre les parents et la grand-mère maternelle. Qu’il suffise de mentionner l’absence totale de communication depuis six mois, la perte réciproque de confiance et le dénigrement grave à l’endroit de D... F....

[23] En outre, les perturbations vécues par l’enfant X lors de ses retours de visites auprès de H... P... et la relation déséquilibrée qu’elle a établie avec celui-ci, en s’accaparant son affection au détriment des parents, convainc le Tribunal que l’intérêt de cet enfant ne milite pas en faveur des conclusions recherchées en demande.

Extrait du juge Gaétan Dumas dans Droit de la famille – 14587, 2014 QCCS 1129.

[6] De la preuve entendue, le tribunal conclut que la demanderesse a un caractère instable et imprévisible.

[7] Les défendeurs en étaient rendus au point où ils devaient organiser deux partys de Noël et deux partys d’anniversaire pour éviter que le reste de la famille rencontre la demanderesse dont les comportements étaient imprévisibles.

[8] Malgré tous les efforts faits par les défendeurs pour conserver un lien avec la demanderesse, on se retrouve échecs après échecs.

[9] Le tribunal constate que la demanderesse est isolée. Elle semble être la seule à avoir le pas et veut imposer ce pas à ceux qui l’entourent.

(…)

[15] D’ailleurs, la demanderesse a même tenté de manipuler toute la famille pour tenter de séparer le couple des défendeurs.

[16] Suite à la cessation des contacts entre la demanderesse et les défendeurs, la demanderesse a même tenté de manœuvrer pour procéder à ce que le défendeur qualifie d’un enlèvement de ses enfants.

[17] En effet, la demanderesse a tenté de convaincre ses sœurs, les tantes de la défenderesse, de communiquer avec celle-ci pour la convaincre de quitter son mari avec les enfants et de se réfugier avec les enfants chez une des tantes puisqu’elle craignait pour leur sécurité.

[18] Ce comportement est inadmissible et ne doit certainement pas être encouragé.

(…)

[31] Le tribunal croit que les relations familiales sont tellement dégradées par la faute de la demanderesse et malgré le fait que les défendeurs ont tout fait pour tenter de conserver les liens avec la demanderesse que ceci constitue un motif grave.

[34] Les relations entre un enfant et ses grands-parents sont grandement importantes, mais pas au point de risquer de détruire la cellule familiale

Extrait de la juge Sandra Bouchard dans le jugement Droit de la famille - 161154, 2016 QCCL 227.

[20] Il a été défini par la jurisprudence que ces motifs graves n’équivalent pas à de simples relations difficiles, mais plutôt à des circonstances entraînant des effets néfastes sur l’enfant, lesquelles sont réelles et objectives

Extrait du juge Robert Mongeon dans le jugement Droit de la famille - 11692, 2011 QCCS 1265.

[31] Une lecture de la jurisprudence et de certains commentaires dans la doctrine qui m'a été soumise, m'oblige cependant à conclure que lorsque le conflit entre les parents de l'enfant et le grand-parent sont à ce point lourds qu'ils risquent à ce moment là de débalancer l'équilibre de la cellule familiale à l'intérieur duquel l'enfant vit au premier titre, c'est-à-dire avec ses parents ou avec son parent qui en a la garde comme c'est le cas ici, à ce moment là, le Tribunal peut conclure que, compte tenu des faits qui lui sont démontrés, la situation de conflit est assez importante pour constituer un motif grave au sens de l'article 611 C.c.Q.

Extrait de la Cour d’appel dans l’arrêt Droit de la famille – 172486, 2017 QCCA 1637.

[12] L’on dit volontiers que cette disposition crée une présomption (réfutable) : la relation personnelle entre les grands-parents et l’enfant est dans l’intérêt de celui-ci au sens de l’article 33 C.c.Q.  Il revient donc aux parents qui s’opposent à cette relation de repousser la présomption en prouvant, par prépondérance (art. 2804 C.c.Q.), qu’un motif grave y fait obstacle.

[13] Certes, l’existence d’un conflit entre parents et grands-parents ne peut priver automatiquement ces derniers d’entretenir des rapports avec leurs petits-enfants ou, plus justement (car c’est l’intérêt de l’enfant qui domine), priver les petits-enfants du bénéfice d’une relation avec leurs grands-parents. Accepter que le conflit, en lui-même, soit, inévitablement, un empêchement, signifierait que la seule volonté des parents prime, neutralisant ainsi l’art. 611 C.c.Q.  Un tel conflit n’est donc pas forcément un motif grave de faire obstacle à la relation entre grands-parents et petits-enfants.  Mais qu’il ne le soit pas dans tous les cas n’exclut pas qu’en raison de sa nature, de son intensité ou de ses ramifications, il puisse dans certains cas en aller autrement et qu’on puisse raisonnablement en induire que l’établissement ou le maintien d’une relation entre grands-parents et enfants comporte pour ceux-ci un risque trop important.  L’intérêt de l’enfant, au sens de l’article 33 C.c.Q., qu’il emporte en définitive sur toute autre considération, ne requiert pas d’attendre la matérialisation de ce risque.

Extrait du juge Lukasz Granosik dans le jugement Droit de la famille - 171721, 2017 QCCS 3284.

[34] Encore faut-il qu’un tel conflit entraine un effet objectif perturbant ou négatif ou compromette la quiétude du climat familial des petits-enfants. Enfin, dans certains cas, des conflits majeurs entre les grands-parents et parents peuvent constituer de tels motifs graves.

Extrait du juge Michel Richard dans le jugement Droit de la famille - 071157, 2007 QCCS 2329.

[28] Voici comment s’exprime le professeur Goubau à la page 78 : « Le comportement d’un grand-parent peut constituer en soi un motif suffisant de refus lorsque ce comportement a une incidence néfaste sur l’enfant ou que l’on peut craindre qu’il en sera ainsi. Encore faut-il qu’il ne s’agisse pas de craintes purement subjectives de la part des parents car c’est précisément dans des situations de tension et donc, dans une certaine mesure, de suspicion (souvent générée par une séparation ou un divorce) que l’article 611 C.c.Q. trouve sa réelle utilité». 

1.1.1.2 Exemples de motifs qui ne sont pas des motifs graves

Extrait du juge Michel Richard dans le jugement Droit de la famille - 071157, 2007 QCCS 2329.

[22] L’article 611 C.c.Q. édicte une présomption qu’il est dans l’intérêt de l’enfant que soient maintenues les relations avec ses grands-parents.

[23] Le législateur a pris soin de prévoir que ce n’est que pour des motifs graves que cette relation grands-parents petit-enfant peut être interrompue.

Extrait du juge Babak Barin dans le jugement Droit de la famille - 182714, 2018 QCCS 5615.

[21] Tel que l’explique ma collègue, la juge Claude Dallaire, j.c.s[3]. :

 [82] Même lorsqu’il y a preuve d’un grave conflit, cela ne suffit pas nécessairement à entraver le droit de l’enfant d’avoir des contacts avec ses grands-parents.

[83] Le « mal-être », le fait de ne plus rien vouloir savoir de son père ou sa mère, les relations difficiles, la peur du dénigrement, et les épisodes d’accusations et de trahison ne sont pas toujours des motifs de refus lorsqu’ils n’ont pas d’effets réels négatifs sur l’enfant.

Extrait du juge Claude Bouchard dans le jugement Droit de la famille – 18330, 2018 QCCS 682.

[20] Cela dit, bien que les relations entre les parties soient tendues et qu’on peut les qualifier de difficiles, le tribunal est d’avis qu’elles n’entraînent pas pour autant des effets néfastes sur l’enfant, dans la mesure où celui-ci n’est pas témoin ni mêlé à leurs différends.  Sauf pour l’événement du 5 novembre 2017, il n’a pas été démontré que l’enfant aurait été témoin de commentaires négatifs à l’égard de sa mère ou de sa grand-mère et qu’il est affecté par leurs conflits.

[21] En l’absence d’un motif grave, le tribunal est d’avis qu’il y a lieu d’intervenir dans le présent dossier de façon à ce qu’il n’y ait pas d’obstacle aux relations personnelles de l’enfant avec sa grand-mère.

Extrait de la juge France Bergeron dans le jugement Droit de la famille - 172777, 2017 QCCS 5405.

[52] Dans la présente affaire, on ne peut nier l'existence d'un conflit. En fait, le père n'est plus capable d'entretenir des relations avec ses parents, en raison de leur attitude. Il n'a aucun intérêt à leur parler. Il a coupé les ponts, notamment parce qu'ils n'acceptaient pas qu'il ait une amie de cœur, trop tôt pour eux, par rapport à la date du décès de la mère. Il en avait assez de se faire dire ce qu'il devait faire.

[53] L'existence d'un conflit ne prive pas, d'emblée, les grands-parents d'entretenir des relations avec leurs petits-enfants. Madame la juge Bich, dans un arrêt récent de la Cour d'appel, le réitère[4]:

[13] Certes, l’existence d’un conflit entre parents et grands-parents ne peut priver automatiquement ces derniers d’entretenir des rapports avec leurs petits-enfants ou, plus justement (car c'est l'intérêt de l’enfant qui domine), priver les petits-enfants du bénéfice d’une relation avec leurs grands-parents. Accepter que le conflit, en lui-même, soit, inévitablement, un empêchement signifierait que la seule volonté des parents prime, neutralisant ainsi l’art. 611 C.c.Q. Un tel conflit n’est donc pas forcément un motif grave de faire obstacle à la relation entre grands-parents et petits-enfants. Mais qu’il ne le soit pas dans tous les cas n’exclut pas qu’en raison de sa nature, de son intensité ou de ses ramifications il puisse dans certains cas en aller autrement (…)

(…)

[70] L'enfant aime son père. Elle aime ses grands-parents. Elle désire les voir.

(…)

[73] Il est dans l'intérêt de X d'avoir des relations avec ses grands-parents paternels, se traduisant par des accès. Il n'y a pas lieu que ces accès soient supervisés. La preuve ne montre pas que les grands-parents soient dangereux pour l'enfant.

[74] La preuve révèle que, sans aucun doute, ils aiment leur petite-fille.

[75] Il s'agit d'un conflit entretenu par le fils. Il n'y a pas d'élément démontrant que l'enfant vit le conflit, le vit mal, et qu'il y a des répercussions sur elle.

[76] La preuve ne permet pas de conclure à l'existence de motifs graves.

Extrait de l’honorable Catherine La Rosa dans le jugement Droit de la famille — 172337, 2017 QCCS 4577.

[11] Depuis mars 2017, madame F... empêche les contacts entre les enfants et madame A..., et ce, selon cette dernière, sans raison valable. 

[12] Dans l’intérêt des enfants X et Y, madame A... souhaite fixer des accès auprès d’elles et a de la difficulté à comprendre la position de madame F... à son endroit.

[13] Madame A... se dit en mesure d’apporter, comme une grand-mère maternelle, toute l’affection, l’attention, l’éducation ainsi que la stabilité nécessaire au bon développement des enfants, comme elle le fait depuis leur naissance.

(…)

[19] Elle admet que madame A... a eu des contacts fréquents avec ses filles depuis leur naissance. Toutefois, pour madame F..., ces contacts n’étaient pas sains considérant qu’elle tentait toujours de s’approprier le rôle de mère à son détriment face aux enfants. 

[20] Pour ces raisons, depuis plusieurs mois, madame F... a pris la décision de s’éloigner de sa mère considérant qu’elle voulait prendre les décisions à sa place. 

(…)

[30] En l'espèce, après avoir entendu attentivement les parties, le Tribunal est d’avis que les accès de madame A... auprès de ses deux petites-filles doivent être maintenus.

[31] Il n’existe pas de motifs graves visant à empêcher le maintien d’une relation significative entre madame A... et ses deux petites-filles. 

[32] Il est vrai qu’il existe un conflit important entre madame A... et madame F.... Le Tribunal note toutefois que cela n’a pas toujours été le cas. Bien au contraire, la relation entre madame A... et madame F... a longtemps été satisfaisante, au point où madame A... a pu accompagner madame F... au cours de certaines périodes de vie plus difficiles. 

[33] Un retour vers de meilleures dispositions est à souhaiter. 

[34] Le Tribunal est toutefois d’avis que le conflit actuel ne doit pas déteindre sur les enfants qui sont habituées d’avoir leur grand-mère dans leur vie depuis leur naissance et dont la présence semble positive. 

[35] La communication déficiente mentionnée par madame F... ne peut justifier l’absence de relation d’une grand-mère avec ses petits-enfants lorsque la grand-mère, impliquée dans la vie de ses petits-enfants depuis leur naissance, représente une figure positive. 

 

1.1.1.3 Fardeau de la preuve

Extrait de l’auteure Me Élisabeth Pinard dans l’article Les relations personnelles de l’enfant avec ses grands-parents : comprendre et appliquer l’article 611 C.c.Q.

Malgré ce parcours pour le moins sinueux, nous sommes d’avis qu’une constante se dégage, soit celle de l’existence sous la forme d’une présomption d’un droit autonome des grands-parents à des relations personnelles avec leurs petits-enfants qu’il appartient aux parents de repousser (…).

Extrait de la juge Alicia Soldevila dans le jugement Droit de la famille- 182808, 2018 QCCS 5801.

[26] C'est donc aux parents d'un enfant que l'on veut couper de l'un de ses grands- parents que revient le fardeau de faire la démonstration que la coupure de ce lien est dans l'intérêt de l'enfant. En effet, pour priver un enfant de ce lien, le conflit existant entre les parents et le grand-parent en cause doit être à ce point lourd qu'il risque de se répercuter sur la cellule familiale directe (père-mère de l'enfant).

Extrait du juge Christian J. Brossard dans le jugement Droit de la famille - 15750, 2015 QCCS 1519.

 [35] Il est vrai qu’il y a lieu d’interdire ou de limiter les contacts de l’enfant avec les grands-parents lorsque la relation est malsaine pour l’enfant ou qu’elle représente une influence néfaste, a fortiori lorsque les contacts présentent un risque pour sa sécurité ou sa santé. Il revient cependant au parent qui l’invoque d’en faire la preuve.

[36] Plus particulièrement, pour que le comportement d’un grand-parent constitue un motif suffisant de refus de contacts avec l’enfant, il doit avoir une incidence néfaste réelle sur ce dernier ou il doit à tout le moins exister une crainte objective qu’il en sera ainsi. Quant à l’existence d’une relation conflictuelle entre les parents et les grands-parents, elle ne peut constituer, en soi, un motif grave au sens où l’entend l’article 611 C.c.Q. Ce sont plutôt les effets néfastes réels d’une telle relation sur l’enfant qui feront obstacle à la demande des grands-parents. En outre, la seule crainte de l’impact négatif du conflit sur l’enfant ne saurait suffire

Extrait du juge Denis Jacques dans le jugement Droit de la famille- 191756 QCCS 3659.

[19] Dans Droit de la famille – 171200[5], la juge Claude Dallaire explique le fardeau de preuve relatif aux droits d’accès de grands-parents, et ce, en ces termes

(…)

[51] En effet, il reviendrait en principe au grand-père de démontrer le bien- fondé de sa demande d’accès, mais, cette présomption repousse le fardeau de preuve sur les épaules du parent qui conteste la demande d’accès, donc la mère, à qui il revient en premier de démontrer l’existence de « motifs graves » de s’opposer à la demande d’accès si elle veut faire échec à la demande du grand- père ou si elle souhaite une diminution de la fréquence des accès ou d’autres modalités.

[52] Le grand-père n’a donc pas l’obligation de nous convaincre qu’il est dans l’intérêt de ses petits-enfants de maintenir une relation personnelle avec lui.

[53] Le fardeau de la défenderesse reposant sur la définition de «motifs graves », il faut savoir que ce sont ceux qui ont « du poids et de l’importance » pour une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances et qu’ils s’apprécient de manière objective et non subjective. Ils doivent mener à la conclusion que le maintien, la reprise ou la fréquence des relations recherchées peut avoir des effets néfastes réels sur le bien-être des enfants.

Extrait du juge Steve J. Reimnitz dans le jugement Droit de la famille- 20230, 2020 QCCS 539.

[61] La juge Masse poursuit plus loin dans son jugement :

[47] Ainsi, lorsqu’est mise en preuve une crainte justifiée par des faits objectifs, par exemple le comportement du grand-parent doublé d’un conflit aux ramifications profondes, que les contacts auront en toute probabilité une incidence néfaste pour l’enfant, les motifs graves seront établis.

[48] La preuve de ces faits objectifs peut certainement être faite par la production au dossier de la Cour d’écrits du grand-parent, par des admissions de certains comportements et par des propos et comportements de celui-ci à l’audience ainsi que par tout autre élément de preuve jugé crédible établissant ces comportements et l’ampleur et la nature du conflit.

[49] La ligne séparant une crainte fondée sur des comportements et/ou sur un grave conflit d’une crainte purement subjective n’est sans doute pas si évidente à tracer dans tous les cas. L’ensemble de la preuve doit être examinée à cette fin, tout en tenant compte des particularités des petits-enfants en cause, dont leur âge.

1.1.2 Importance de l’opinion de l’enfant

 Extrait du juge Carl Lachance dans le jugement Droit de la famille — 181141, 2018 QCCS 2281.

[33] Même si l’article 611 C.c.Q. crée une présomption favorable pour la grand-mère, sauf motifs graves, le Tribunal doit nécessairement prendre en compte le désir des enfants considérant leur âge lorsque vient le temps de se prononcer sur des modalités d’accès.

[34] Selon la Cour d’appel, l’opinion d’une enfant âgée de plus de 12 ans est largement déterminante quant à sa garde tandis que selon la Cour supérieure, l’opinion d’une enfant de 10 ans doit être prise en compte fortement.

[35] Relativement aux accès réclamés par la grand-mère vis-à-vis Y, le Tribunal est d’avis de ne pas les accorder et d’annuler ceux prévus à la convention signée en 2011.

[36] D’une part, la preuve démontre l’existence d’un conflit grave entre Y et sa grand-mère.

[37] D’autre part, cette enfant ne souhaite d’aucune façon la reprise des contacts en raison de l’attitude de sa grand-mère vis-à-vis elle.

[38] Le lien d’attachement entre Y et sa grand-mère semble absent.

[39] L’amour de la demanderesse semble davantage orienté vers X.

[40] Accorder des accès dans l’état actuel des relations de Y avec sa grand-mère nous apparaît contre-productif et inutile.

[41] En outre, la grand-mère reconnaît ne pas vouloir forcer l’enfant à la visiter si elle ne le désire pas.

[42] Dans les circonstances, l’intérêt de l’enfant justifie, du moins dans l’état actuel des choses, l’absence de contacts.

[43] Relativement aux accès demandés à l’enfant X, le Tribunal estime nécessaire de respecter le désir de cette enfant de revoir sa grand-mère.

Extrait de la juge Michèle Lacroix dans le jugement Droit de la famille — 061087, 2006 QCCS 7806.

[39] Le désir des enfants n'est pas le seul critère à considérer.  Cependant, il est un indice certain sur la qualité de la relation qu'elles peuvent entretenir avec leurs parents, et dans ce cas-ci leur grand-mère également.

Extrait de la juge Lise Bergeron dans le jugement Droit de la famille- 19230, 2019 QCCS 546.

[51] In M.F. c. J.L. 2002 CanLII 36783 (QC CA), [2002] R.J.Q. 676 (C.A.), Rothman J.A. says:

35. In my respectful view, if a child is sufficiently mature to express himself on a vital question such as custody or access by his parents, then he has the right to be heard on that question and the right to have his wishes fairly put in evidence before the court.

Extrait du juge Chirstian J. Brossard dans le jugement Droit de la famille – 191120, 2019 QCCS 2408.

[52] En outre, lorsqu’un enfant de huit ans ou plus s’exprime au sujet de la garde de manière libre et éclairée et sans que son désir soit le fruit d’un caprice, son choix doit être considéré fortement. Par contre, le tribunal n’est pas lié par ce choix, si d’autres facteurs indiquent fortement qu’il n’est pas dans son intérêt de donner suite à sa volonté.

1.1.3    Intérêt de l’enfant

 Extrait du juge Robert Legris dans le jugement Droit de la famille – 123160, 2012 QCCS 5697.

[10] La jurisprudence citée par les parties décide majoritairement que même un  conflit entre parents et grands-parents n’est pas suffisant pour faire échec aux dispositions de l’article 611 C.c.Q. qui consacrent le droit des grands-parents d’avoir des contacts avec leurs petits-enfants, à moins de motifs graves.

[11] Le Tribunal n’a pas à décider de qui a raison entre la demanderesse et les défendeurs.  Tout est affaire de circonstances.  L’une n’a pas réglé sa rupture et ne semble pas en voie de ce faire.  Les autres ont coupé les ponts et cette coupure, normalement contre nature, avec tous ses déséquilibres, transpire inévitablement sur leur entourage immédiat.   

[12] La preuve est ici abondante à l’effet que X souffre énormément de la perspective de rencontrer la demanderesse, même si ces rencontres se déroulent très bien.  Le Tribunal estime qu’il y a lieu d’interpréter l’article 611 C.c.Q. à la lueur de l’article 33 C.c.Q.  Les critères y énoncés, soit les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de X, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial militent plutôt en faveur de la suspension des accès.

Extrait de la juge Louise Moreau dans le jugement Droit de la famille- 103468, 2010 QCCS 6353.

[35] Dans les causes comme celles-ci, il n’y a ni perdant, ni gagnant. Cet enfant de deux ans à droit à l’amour et la tendresse que les grands-parents ont à lui offrir, mais selon ses besoins à lui.

(…)

[38] L’article 611 C.c.Q. créé une présomption de droit du grand-parent de développer une relation avec leurs petits enfants en entretenant certains liens, et ce, dans le meilleur intérêt de l’enfant. Ce qui s’analyse individuellement et cas par cas.

Extrait de la juge Claudette Tessier Couture dans le jugement Droit de la famille – 133684, 2013 QCCS 6492.

[27] Le Tribunal ne peut s’empêcher de noter que si chacun demeure sur ses positions, la situation n’est pas bénéfique aux enfants et s’envenimera d’année en année. Ce n’est pas dans l’intérêt des petits-enfants. Il serait malheureux d’arriver à conclure que des motifs graves existent et que les contacts grands-parents/petits- enfants doivent être annulés. La relation entre les parties est à reconstruire et les deux parties, les deux demandeurs et les deux défendeurs, doivent y travailler, et ce, dans l’intérêt des petits-enfants.

(…)

[34] Notre collègue, le juge Mongeon[6], traitant de l'article 611 C.c.Q., écrit :

16. Ce qui ressort principalement de cet article c'est qu'il est question des relations de l'enfant avec les grands-parents. La jurisprudence et les auteurs y ont vu une présomption en faveur des grands-parents d'avoir un accès auprès de leurs petits enfants, à moins de motifs graves, qu'il incombe aux parents de démontrer. Je retiens que la lecture de l'article 611 C.c.Q. fait en sorte que l'intérêt de l'enfant sera et devra toujours être prédominant. Le Tribunal doit, en toutes circonstances protéger les intérêts de l'enfant et décider, dans tout litige qui l'implique, trancher de manière à maintenir cette protection.

18. Le Tribunal est d'avis que le droit et la protection de l'enfant doit primer sur celui des grands-parents. Si par exemple, l'enfant était assez vieux pour exprimer sa volonté, le Tribunal devrait alors en tenir compte.

Extrait de la juge Suzanne Hardy-Lemieux dans le jugement Droit de la famille – 073553, 2007 QCCS 6685.

[9]  Me Michel Tétrault, dans le traité « Droit de la famille », énonce ce qui suit[7] :

« L'article 611 C.c.Q. établit une présomption selon laquelle il est réputé être dans l'intérêt de l'enfant qu'il entretienne des relations personnelles avec ses grands-parents. La règle veut donc qu'à moins de motifs graves, les parents ne puissent faire obstacle à l'établissement de ces rapports.

La loi veut ainsi favoriser le développement de l'enfant et empêcher que les parents ne le privent de relations positives avec ses grands-parents pour des raisons «intempestives» ou «capricieuses».

1.1.4 Fréquence des contacts

Extrait du juge Claude Bouchard dans le jugement Droit de la famille - 061065, 2006 QCCS 7556.

[14] En l’espèce, le défendeur ne s’objecte pas formellement à ce que des contacts soient maintenus entre son fils X et sa grand-mère. Il est conscient que ce lien doit être maintenu avec la famille de la mère de X, décédée subitement quelques jours après sa naissance.

[15] Il admet aussi que la demanderesse a été d’un grand secours dans les moments difficiles qu’il a vécus suite au décès de sa conjointe, moments qu’il a partagés aussi avec la demanderesse qui a perdu sa fille. Ces circonstances particulières distinguent ce dossier de toute autre demande qui peut être faite par des grands-parents qui désirent voir leurs petits-enfants.

[16] En effet, la demanderesse est demeurée très présente auprès de son petit-fils et, sans pour autant remplacer la mère disparue, elle a été appelée à jouer un grand rôle auprès de celui-ci. En raison de ces circonstances, elle est susceptible de demeurer plus présente auprès de son petit-fils que ne le sont habituellement les grands-parents.

[17] C’est pourquoi, le Tribunal est d’avis de maintenir ce contact régulier entre la demanderesse et son petit-fils X, soit une fois par semaine, tel qu’il s’exerce actuellement. Modifier cette fréquence risque de perturber davantage l’enfant X, âgé seulement d’un an et demi, qui s’attend à voir sa grand-mère à chaque semaine et ne comprendrait pas les raisons justifiant un tel changement de fréquence.

 [18] Par ailleurs, le Tribunal est aussi sensible au désir du défendeur de s’éloigner un peu de la demanderesse, afin d’assumer davantage ses responsabilités auprès de son fils, dont la capacité à cet égard n’est pas mise en doute. Ce désir est légitime, car après avoir vécu des moments difficiles au cours de la première année qui a suivi le décès de sa conjointe, le défendeur a reçu beaucoup d’aide, notamment de la part de la demanderesse, en plus de bénéficier d’un suivi psychologique. Il semble maintenant prêt à assumer entièrement ses responsabilités.

[19] C’est la raison pour laquelle le Tribunal ne croit pas qu’il y ait lieu d’augmenter la fréquence ou la durée des contacts entre la demanderesse et son petit-fils, qui sont satisfaisants pour l’instant puisqu’ils lui permettent de voir sa grand-mère à toutes les semaines.

[20] Étendre les droits d’accès au-delà de la situation actuelle, risque d’envenimer les relations entre la demanderesse et le défendeur et ce, au détriment du bien-être de l’enfant X. Celles-ci doivent demeurer harmonieuses, dans un contexte de relations grands-parents/petits-enfants, ce qui les distingue de celles établies dans un contexte de droits d’accès aux parents non-gardiens.

Extrait du juge Claude Bouchard dans le jugement Droit de la famille – 18330, 2018 QCCS 682.

[22] À ce propos, la demanderesse demande au tribunal de lui accorder des droits d’accès auprès de l’enfant, du vendredi 16 heures au dimanche 16 heures, une fin de semaine sur deux, en plus de contacts téléphoniques à raison d’une fois par semaine. Comme le tribunal l’a exprimé lors de l’audition, cette modalité relève davantage d’un droit d’accès accordé au parent non gardien, ce à quoi la demanderesse a répondu qu’étant donné l’absence du père de l’enfant qui vit en Colombie-Britannique et le lien étroit qui s’est tissé entre elle et l’enfant, une telle demande est justifiée.

[23] Le tribunal ne partage pas ce point de vue et pour reprendre les propos de la Cour d’appel, ce n’est pas tant un droit d’accès qui est accordé aux grands-parents, mais plutôt de maintenir des « relations personnelles » bénéfiques à l’enfant.

[24] À ce sujet, la défenderesse a indiqué au tribunal qu’elle avait besoin de ses fins de semaine pour passer du temps de qualité avec l’enfant étant donné qu’elle travaille beaucoup durant la semaine, ce qui n’est pas contesté par la demanderesse. Dans cette veine, le tribunal est aussi d’avis que les modalités suggérées par la demanderesse, d’une fin de semaine aux deux semaines, ne sont pas appropriées dans les circonstances.  Il y a lieu d’en réduire la durée et la fréquence.

[25] Le tribunal est par ailleurs conscient que l’enfant apprécie les séjours chez sa grand-mère et qu’un coucher à l’occasion lui procure beaucoup de satisfaction.  Cela lui permet de maintenir cette complicité avec sa grand-mère qui, avec son conjoint qui entretient une belle relation avec l’enfant, en profite pour le gâter un peu.

[26] Dans ces circonstances, le tribunal est d’avis d’accorder à la demanderesse des accès à l’enfant à raison d’une journée aux trois semaines, du vendredi 16h30 jusqu’au samedi 16h30.  Cela n’exclut pas évidemment toute autre entente entre les parties, entre autres si l’occasion se présente durant la semaine alors que la défenderesse doit s’absenter pour les fins de son travail ou pour un autre motif.

Extrait du juge Alain Bolduc dans le jugement Droit de la famille – 182247, 2018 QCCS 4534.

[13] Suivant l’article 611 C.c.Q., les parents ne peuvent faire obstacle aux relations personnelles de l’enfant avec ses grands-parents, sauf si un motif grave le justifie.

[14] Puisque ces contacts ne s’apparentent pas aux droits d’accès accordés aux parents auprès de leurs enfants, les grands-parents ne peuvent, règle générale, demander des droits d’accès au même titre qu’un parent non gardien.

[15] Considérant que les défendeurs ne font pas obstacle aux relations personnelles de leurs enfants avec les demandeurs, il faut établir les droits d’accès de ces derniers en évaluant l’intérêt des enfants, qui est le critère primordial.

Extrait du juge Georges Taschereau dans le jugement Droit de la famille – 12347, 2012 QCCS 660.

[13]  Il est reconnu que l'établissement de relations personnelles entre l'enfant et ses grands-parents est un droit de l'enfant et, également, un droit des grands-parents

(…)

[16] Ces considérations concernant la culture, les valeurs et la religion et ces diffi- cultés relatives à l'exercice de l'autorité parentale ne peuvent avoir pour effet de priver X et sa grand-maman de contacts favorisant le développement et le maintien de relations personnelles entre eux, dans le respect du principe posé à l'article 611 C.c.Q. C'est d'autant plus le cas qu'il n'y a aucune preuve d'irrespect, par M... L..., de la culture, des valeurs et de la religion que R... A... et K... L... entendent transmettre à leur enfant. L'intérêt de l'enfant compte avant tout.

[17] Il est toutefois important de garder à l'esprit, en décidant de l'octroi de droits d'accès à des grands-parents, que les parents de l'enfant sont les détenteurs de l'auto- rité parentale et que ces droits d'accès accordés à des grands-parents ne peuvent être assimilés à des droits de visite et de sortie qu'un parent non gardien peut réclamer à la suite d'une rupture. Ces visites, ces sorties et ces communications, écrites ou orales, que le Tribunal autorise ont pour but de permettre à l'enfant et à ses grands-parents de se connaître et de développer et cultiver des liens affectifs.

(…)

[29] Revenant au samedi après-midi, le Tribunal juge utile de souligner, encore une fois, que les accès de X à sa grand-maman ont pour objet de leur permettre de se connaître et de développer et cultiver des liens affectifs. Ils ne doivent pas porter ombrage au rôle et à l'initiative des parents dans l'exercice de leurs devoirs de garde, de surveillance et d'éducation.

Extrait du juge Serge Gaudet dans le jugement Droit de la famille – 1875, 2018 QCCS 139.

[34] Par ailleurs, les tribunaux insistent sur le fait que les relations entre les grands- parents et leurs petits-enfants restent subordonnées à celles des parents qui, en principe, ont la priorité. Dans l’arrêt M.L. c. M.-J. H.8, la Cour d’appel rappelle que :

[les grands-parents] ne peuvent non plus exiger des droits d’accès, au même titre qu’un parent non gardien. Le rôle de grands-parents, bien qu’important, demeure toutefois, règle générale, secondaire à celui des parents. Le législateur confie à ceux-ci le droit et le devoir de garde, de surveillance et d’éducation des enfants (article 599 du Code civil du Québec).

[35] Sauf circonstances exceptionnelles, la tendance des tribunaux est d’accorder un droit de visite aux grands-parents de quelques heures par mois ce qui est généralement considéré comme suffisant pour le maintien des relations personnelles entre grands- parents et petits-enfants.

1.2     Rôle des grands-parents

 

Extrait du juge Jean-Pierre Sénécal dans le jugement Droit de la famille - 2216, [1995] R.J.Q. 1734, 1738 (C.S.). 

C'est que le rôle des parents et grands-parents n'est pas le même face aux enfants. Les parents doivent élever leurs enfants. Ils ont à leur égard des devoirs de garde, de surveillance et d'éducation (art. 599 C.C.Q.), qui nécessitent une présence quotidienne, un suivi, une implication constante. Ce rôle n'est pas celui des grands-parents. Le leur est simplement d'aimer leurs petits-enfants et de leur apporter la richesse de leur personnalité, de leur expérience, de leur affection. Ainsi que le souligne Dominique Goubau, « ils peuvent développer avec leur petit-enfant des contacts d'affection sans avoir le souci de l'éducation et du contrôle de l'éducation. ».

Les droits conférés par l'article 611 C.C.Q. ne sont donc pas comparables aux droits de sortie et de visite que des parents peuvent réclamer dans le cadre d'une séparation ou d'un divorce et les contacts petits-enfants/grands-parents ne peuvent être « mesurés » à l'aune des contacts enfants/parents séparés.

Sauf situation exceptionnelle, comme par exemple le cas où un grand-parent a de fait exercé pendant un long laps de temps la garde et même l'autorité parentale à l'égard d'un enfant, les tribunaux n'accordent donc pas les mêmes temps de contacts en nombre et en durée à un grand-parent qu'à un parent non gardien. Dominique Goubau s'exprime comme suit sur la question :

Si le droit de séjour est la règle pour le parent non-gardien, ne devrait-il pas être l'exception lorsqu'il s'agit des grands-parents […]?

[…]

Les droits de séjour, véritables limites à l'autorité parentale, ne devraient être accordés qu'avec mesure et seulement dans les cas où la preuve révèle l'existence de liens antérieurs importants entre les grands-parents et l'enfant.

Il faut donc conclure que, si les relations personnelles enfants/grands-parents constituent une grande richesse et ne peuvent sans motifs graves être empêchées, elles ne doivent pas non plus être confondues avec les droits d'accès que l'on retrouve chez les parents séparés ni, d'une façon générale, en avoir la même fréquence et la même étendue.

 Extrait de la juge France Bergeron dans le jugement Droit de la famille – 113467, 2011 QCCS 5890.

[33] La grand-mère n'a pas l'autorité parentale et n'a pas à se mêler de l'éducation que Monsieur donne à son fils.  Cela ne veut cependant pas dire que la grand-mère ne doit pas avoir de règles lorsque X est chez-elle.  Elle doit encadrer l'enfant dans le respect des règles mises en place par le père.

[34] Le Tribunal invite donc le père à faire connaître à la grand-mère ses règles de vie concernant X, verbalement et par le biais d'un écrit qu'elle devra conserver et qui pourra être modifié par le père au besoin.

Extrait de la juge Michèle Lacroix dans le jugement Droit de la famille — 061087, 2006 QCCS 7806.

[54] Les grands-parents ne sont pas titulaires de l'autorité parentale.  Ils ne sont pas sur un pied d'égalité avec les parents et ne peuvent prétendre à une sorte de partage supplémentaire du temps de présence de l'enfant.

[55] Le droit aux relations personnelles des grands-parents s'inscrit dans les modalités de partage du temps de vie de l'enfant avec ses parents.

[56] C occupe une grande place auprès des enfants.  Elle occupe, dans le fond, la place que les parents lui ont laissé prendre, une place très importante.

[57] On ne peut nier cette réalité.

[58] Ainsi, comme C vit avec les enfants en permanence depuis six ans et que les liens sont très forts, il est tout à fait normal qu'elle veuille maintenir une place importante en tant que grands-parents mais non en tant que parent.  Il est dans l'intérêt des enfants de maintenir cette relation privilégiée.

[59] Tout en voulant maintenir cette relation privilégiée, elle doit l'être dans un contexte de calme et non de conflit dans lequel les enfants risquent de se retrouver.

[60] L'objectif de l'article 611 du Code civil du Québec est de permettre l'épanouissement de relations enrichissantes entre les grands-parents et les petits-enfants.  Le comportement de C ne doit pas également être une intrusion dans le rôle éducatif des parents malgré la place qu'elle a occupée pendant la vie commune des parties.

Extrait de la juge Louise Moreau dans le jugement Droit de la famille – 103468, 2010 QCCS 6353.

[4] Les parents de X se sont fréquentés pendant plus d’une année, mais n’ont jamais cohabité. À l’annonce de sa grossesse, monsieur a suggéré à madame l’avortement, ce qu’elle a refusé. Les parents se sont séparés avant la naissance de l’enfant.

(…)

[7] Les parties demanderesses, pour leur part, depuis la naissance de l’enfant, manifestent plus d’intérêt face à leur petit-fils.

(…)

[36] Le Tribunal est également un peu inquiet de la place que veulent prendre les parties demanderesses. Ce n’est pas parce que leur fils n’exerce pas ses droits et ses responsabilités de père qu’elles peuvent le faire à sa place. Les grands-parents ont certes leurs places dans la vie des petits enfants, mais elle n’est pas au premier plan et ne leur permet pas de s’immiscer dans la vie de celui-ci ni de participer à des décisions importantes pour lui.

Extrait de la juge Louisa L. Arcand dans le jugement Droit de la famille – 093070, 2009 QCCS 5832.

[50] Une relation avec les grands-parents ne doit pas être confondue avec l'autorité parentale des parents. Le rôle des grands-parents est d'aimer leurs petits-enfants et de leur transmettre leur héritage culturel.

[51] Les grands-parents doivent respecter l'autorité des parents et, surtout, respecter les limites fixées par les parents ainsi que les demandes des parents.

(…)

[61] Les grands-parents doivent également comprendre qu'une relation avec leur petite-fille ne signifie pas que l'enfant leur appartient et qu'ils peuvent s'en accaparer. Ils doivent respecter les limites du présent jugement, faute de quoi, ils mettent en péril toute relation future avec leur petite fille.

1.2.1    Cas spécial lors du décès d’un parent

Extrait de la juge France Bergeron dans le jugement Droit de la famille – 113467, 2011 QCCS 5890.

[25] Bien qu'étant en accord avec ces principes, la situation soumise est différente et mérite une attention particulière vu l'enjeu pour cet enfant dont la mère est décédée quelques semaines après sa naissance, de continuer à «apprendre» du milieu maternel.

(…)

[30] L'enfant ayant perdu sa mère, doit conserver des repères dans le milieu maternel.  Le lieu privilégié pour se faire est chez la grand-mère maternelle, laquelle est la seule qui ait véritablement connu sa fille et en mesure de la raconter.

[31] Étant donné l'attachement entre X et sa grand-mère maternelle et le conjoint de cette dernière, les accès significatifs qu'a permis le père depuis la naissance de son fils et le lien que l'enfant doit conserver avec le milieu maternel, il est dans son intérêt d'avoir accès à sa grand-mère à toutes les semaines.  X ira donc chez sa grand-mère maternelle une fin de semaine sur deux, du samedi au dimanche et, dans la semaine où il n'y a pas d'accès la fin de semaine, il ira souper avec elle, le vendredi de 16 h à 20 h.

2. GARDE

2.1 Attribution de la garde à un tiers

 

Extrait du juge Chirstian J. Brossard dans le jugement Droit de la famille – 191120, 2019 QCCS 2408.

[50] L’intérêt de l’enfant est la règle cardinale en matière de garde et d’accès, défini en fonction de ses besoins – moraux, intellectuels, affectifs et physiques -, ainsi que de son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres circonstances pertinentes à sa situation.

[51] L’appréciation de cet intérêt tient également compte de divers autres facteurs, comme, en présence de deux parents comme c’est habituellement le cas, les capacités parentales des parents, la relation affective entre l’enfant et chacun de ses parents, la maximisation de contacts sains entre l’enfant et les deux parents, la recherche de stabilité, le souhait d’éviter les perturbations pour l’enfant, le milieu de vie offert à l’enfant et l’environnement physique.

(…)

[53] Quant aux grands-parents, si le législateur crée une présomption que les relations personnelles de l’enfant avec eux sont dans son intérêt, ces relations se distinguent habituellement des droits d’accès attribués à un parent et elles n’ont pas à s’exercer avec le même degré de régularité et d’intensité ou sous la même forme. Toutefois, c’est encore l’intérêt de l’enfant qui demeure le critère primordial, celui-ci devant prévaloir sur celui des grands-parents ou des parents.

[54] À cet égard, le législateur envisage la possibilité qu’une tierce partie puisse se voir octroyer la garde d’un enfant et les tribunaux, en commençant par la Cour suprême du Canada, suivie de la Cour d’appel, reconnaissent une telle possibilité si le tiers démontre « qu’il y va de l’intérêt supérieur de l’enfant »

[55] Cela dit, pour citer la Cour d’appel dans Droit de la famille – 072895[8] :

Si le droit permet de confier la garde partagée à la fois à un parent et à un tiers significatif, il faut néanmoins retenir que cela ne peut se faire que dans des circonstances des plus exceptionnelles. Si un parent est pleinement apte à assumer la garde de son enfant, je vois mal comment on pourrait justifier le priver de cet attribut de l'autorité parentale pour le confier, une semaine sur deux, à une personne qui n'est pas son autre parent. Seul l'intérêt supérieur de l'enfant peut l'autoriser.

2.1.1 Déchéance de l’autorité parentale

Opinion du juge Beetz dans l’arrêt de la Cour Suprême C.(G.) c. V.-F.(T.), [1987] 2 R.C.S. 244.

21. Normalement, ce sont les parents qui sont investis de l'autorité parentale. Le Code civil du Québec précise à l'art. 647 C.c.Q (maintenant l’art. 599 C.c.Q). la portée des droits et des obligations qui découlent de leur rôle:

647. Les père et mère ont, à l'égard de leur enfant, le droit et le devoir de garde, de surveillance et d'éducation.

(…)

24. Le titulaire de l'autorité parentale peut toutefois en déléguer l'exercice comme le prévoit l'art. 649 C.c.Q. (Maintenant l’art. 601 C.c.Q) ou encore certaines dispositions de la Loi sur la protection de la jeunesse, L.R.Q., chap. P-34.1, relatives à l'application de mesures volontaires. Le titulaire de l'autorité parentale peut aussi voir l'exercice de ses attributs réduit en vertu d'une décision judiciaire. Un jugement peut avoir comme conséquence de priver le titulaire de l'exercice d'une partie de ses droits sans que cette privation soit décrétée en raison du comportement fautif du titulaire: il en est ainsi lorsqu'un jugement en séparation de corps ou en divorce attribue la garde à l'un des parents ou, comme je l'indique au chapitre suivant, lorsque l'intérêt de l'enfant commande que la garde soit accordée à un tiers.

 25. Le Code civil du Québec prévoit également la possibilité de déchoir totalement ou partiellement le titulaire de l'autorité parentale. Qu'elle soit totale ou partielle, la déchéance n'entraîne pas seulement la perte de l'exercice des attributs de l'autorité parentale, mais également la perte de l'autorité elle-même dont le titulaire cesse alors d'être investi. Elle ne peut être prononcée que pour un motif grave et dans l'intérêt de l'enfant:

654. (Maintenant l’art. 606 C.c.Q) Le tribunal peut, pour un motif grave et dans l'intérêt de l'enfant, prononcer, à la demande de tout intéressé, la déchéance totale ou partielle de l'autorité parentale à l'égard des père et mère, de l'un d'eux ou du tiers à qui elle aurait été attribuée.

(…)

30. (…) La déchéance partielle ou totale de l'autorité parentale demeure conditionnelle: elle dépend de la preuve d'un comportement répréhensible du titulaire.

2.1.2 Critère de l’intérêt de l’enfant

Extrait du juge Jocelyn Geoffroy dans le jugement Droit de la famille – 20753, 2020 QCCS 1776.

[12] Toute décision que la Cour doit rendre lorsqu’il est question d’un enfant, doit l’être dans le meilleur intérêt de celui-ci, et ce, en conformité avec l’article 33 du Code civil du Québec qui prévoit que doivent être pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l’enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation.

33. Intérêt de l’enfant ; Les décisions concernant l’enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits.

Éléments considérés ; Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l’enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation.

Opinion du juge Beetz dans l’arrêt de la Cour Suprême C.(G.) c. V.-F.(T.), [1987] 2 R.C.S. 244.

40. (…) Quand les père et mère se disputent la garde de leur enfant, il est souvent difficile de découvrir où se situe son meilleur intérêt. La jurisprudence a créé à cette fin une présomption de fait assez fragile selon laquelle l'intérêt d'un enfant en bas âge veut généralement qu'il soit confié à sa mère. Le problème est plus complexe quand la garde de l'enfant met en conflit d'une part un père ou une mère et d'autre part un tiers. Dans ce cas, la jurisprudence a créé une autre présomption assez forte selon laquelle l'intérêt de l'enfant veut qu'il soit confié de préférence à son père ou à sa mère à moins "que l'on établisse contre eux des reproches graves pouvant entraîner déchéance".

(…)

42. L'intérêt de l'enfant est devenu en droit civil québécois la pierre angulaire des décisions prises à son endroit. La réforme du droit de la famille mise de l'avant en 1980 par l'adoption de la Loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme du droit de la famille, L.Q. 1980, chap. 39, a consacré le caractère primordial du critère de l'intérêt de l'enfant. Le principe de la primauté de l'intérêt de l'enfant a alors été reconnu pour la première fois de façon non équivoque dans le Code civil:

30. (Maintenant l’art. 33 C.c.Q) L'intérêt de l'enfant et le respect de ses droits doivent être les motifs déterminants des décisions prises à son sujet.

On peut prendre en considération, notamment, l'âge, le sexe, la religion, la langue, le caractère de l'enfant, son milieu familial et les autres circonstances dans lesquelles il se trouve.

43. L'adoption de l'art. 30 C.c.B.-C. s'est accompagnée de plusieurs modifications législatives destinées à assurer l'application de ce critère aux diverses situations où le bien-être de l'enfant est susceptible d'être compromis. Le législateur a en outre imposé aux tribunaux le devoir de veiller à la protection des intérêts de l'enfant. Il est du devoir du juge de désigner un tuteur ad hoc à l'enfant dans tous les cas où l'intérêt de l'enfant est opposé à celui du titulaire de l'autorité parentale ainsi que dans ceux où l'enfant ne peut déterminer son propre intérêt (art. 816.1 C.p.c.) Lorsqu'il constate que l'intérêt de l'enfant est en jeu et qu'il est nécessaire pour en assurer la sauvegarde que l'enfant soit représenté, le tribunal peut, même d'office, ajourner l'instruction jusqu'à ce qu'un procureur soit chargé de représenter l'enfant (art. 816 C.p.c.) Le tribunal a aussi pour mission de veiller aux intérêts de l'enfant à tout moment de l'instance en séparation de corps (art. 528 C.c.Q.) Si celle-ci a lieu sur projet d'accord, le juge doit supprimer ou modifier les clauses de la convention temporaire qui paraîtraient contraires à l'intérêt de l'enfant (art. 822.2 C.p.c.) Il peut même, selon l'art. 822.3 C.p.c., rejeter la demande en séparation de corps s'il constate que le projet d'accord ne préserve pas suffisamment les intérêts de l'enfant. Ces dispositions mettent en relief de façon indiscutable le rôle prépondérant de l'intérêt de l'enfant et la nécessité de lui accorder, en certaines circonstances, la priorité sur les intérêts qui pourraient lui être opposés.

44. Le libellé de l'art. 30 C.c.B.-C. confirme lui-même que l'intérêt de l'enfant peut primer à l'occasion sur celui du titulaire de l'autorité parentale s'ils entrent en conflit. L'article 30 C.c.B.-C. énonce que l'intérêt de l'enfant s'évalue en prenant en considération notamment "l'âge, le sexe, la religion, la langue, le caractère de l'enfant, son milieu familial et les autres circonstances dans lesquelles il se trouve". Malgré le poids considérable qui doit lui être accordé, le milieu familial n'est donc pas le critère déterminant: il demeure un facteur qui doit être considéré parmi d'autres. L'article 647 C.c.Q. présume à juste titre que le milieu familial constitue le foyer le plus susceptible d'assurer le bien-être de l'enfant. Mais c'est une présomption qui peut être renversée. S'il avère que, quelle qu'en soit la cause, le développement et l'épanouissement de l'enfant risquent d'être compromis du fait qu'il est laissé chez ses parents ou qu'il y est retourné, l'intérêt de l'enfant permet alors de passer outre aux droits du titulaire de l'autorité parentale. L'intérêt de l'enfant ne supprime donc pas l'autorité mais il prescrit les paramètres de son exercice.

(…)

45. Cette interprétation de l'art. 30 C.c.B.-C. et du caractère relatif des droits que confère l'autorité parentale me semble conforme à l'intention du législateur que l'on retrouve également exprimée aux art. 3 et 4 de la Loi sur la protection de la jeunesse:

3. Les décisions prises en vertu de la présente loi doivent l'être dans l'intérêt de l'enfant et dans le respect de ses droits.

4. Toute décision prise en vertu de la présente loi doit tendre à maintenir l'enfant dans son milieu parental. Si, dans l'intérêt de l'enfant, un tel maintien ou le retour dans son milieu parental n'est pas possible, la décision doit tendre à lui assurer la continuité des soins et la stabilité des conditions de vie appropriées à ses besoins et à son âge et se rapprochant le plus d'un milieu parental normal.

(…)

53. Le souci de préserver l'intérêt de l'enfant a été exprimé dans de nombreuses décisions récentes où la garde a été confiée à une tierce personne en fonction du bien-être de l'enfant quoique les faits ne permettaient pas de retenir contre le titulaire de l'autorité parentale un motif grave susceptible d'entraîner la déchéance totale ou partielle. Ces décisions sont subséquentes à l'introduction du concept de déchéance dans le Code civil.

(…)

64. (…) [Il] n'est pas nécessaire, aux fins de l'art. 30 C.c.B.-C., de parvenir à une conclusion défavorable sur la conduite du titulaire de l'autorité parentale pour que la garde soit accordée à une tierce personne. On peut citer à titre d'exemple le cas d'un parent dont le handicap physique serait tel qu'il l'empêcherait de s'occuper à toutes fins pratiques de la garde de son enfant: il serait inutile et exorbitant de devoir déchoir partiellement cette personne avant d'attribuer la garde à un tiers. L'intérêt de l'enfant tel qu'énoncé à l'art. 30 C.c.B.-C. suffit dans une telle situation pour confier l'enfant à un tiers. Il en est ainsi lorsque l'éloignement affectif entre un parent et son enfant est involontaire ou accidentel.

65. Il va toutefois sans dire qu'il ne saurait être question de priver un parent de l'exercice de la garde de son enfant parce qu'un tiers est plus fortuné, mieux instruit ou encore parce qu'il a déjà d'autres enfants. Le tiers qui entend obtenir la garde d'un enfant doit renverser la présomption qui veut qu'un parent est mieux en mesure d'assurer le bien-être de son enfant. Il doit établir de façon prépondérante que le développement ou l'épanouissement de l'enfant risque d'être compromis s'il demeure chez son père ou sa mère ou s'il retourne y vivre. Le tiers doit au surplus démontrer qu'il est capable, contrairement au titulaire de l'autorité parentale, de procurer les soins et l'affection qui sont nécessaires à cet enfant.

66. L'attribution de la garde d'un enfant à une tierce personne n'a pas pour finalité de libérer le parent de ses obligations ni de le séparer de son enfant. Dans la mesure du possible, la décision qui confie la garde de l'enfant à un tiers doit tendre à favoriser, par l'attribution de droits de visite et d'hébergement, le retour de l'enfant dans son milieu familial ou, à défaut, le rétablissement de relations plus harmonieuses. Une telle interprétation me semble conforme à l'esprit de l'art. 30 C.c.B.-C. que l'on retrouve également exprimé aux art. 3 et 4 précités de la Loi sur la protection de la jeunesse: elle privilégie les liens familiaux sans mettre en péril le besoin de stabilité et d'équilibre qu'éprouve chaque enfant.

2.2 Garde par les grands-parents en cas d’incapacité parentale

 

Extrait du juge Michel Richard dans le jugement Droit de la famille – 061118, 2006 QCCS 7769.

[23] En vertu des articles 598 C.c.Q. et suivants, il appartient aux parents d’exercer l’autorité parentale et de prendre la charge, la garde et le développement de leur enfant, comme le Code le stipule.

[24] Les droits des parents sont consacrés et leur déchéance ou leur changement d’attributs impose par les articles 611 C.c.Q. et suivants de faire la démonstration de motifs graves à faire valoir à l’encontre des parents pour leur enlever tels attributs.

[25] D’autre part, il ne faut pas confondre, le droit de garde des grands-parents n’existe pas.  Le rôle des parents est très différent de celui des grands-parents, comme il en a été décidé dans Droit de la famille 2216.

[26] Rien dans la preuve ne soutient les prétentions des grands-parents qui témoignent davantage de leurs craintes de devoir se séparer de leur petite-fille, croyant que le défendeur n’est pas en mesure d’en prendre soin.

(…)

[33] Il est dans l’intérêt de l’enfant que son père en ait la garde.

[34] Cette garde lui sera attribuée et la reprise de contacts se fera progressivement selon les modalités précisées aux conclusions.

 Extrait de l’honorable Lucie Rondeau dans le jugement J.G. (Dans la situation de), [2005] R.J.Q. 2794.

[2] Le 20 novembre 2003, le Tribunal déclare la sécurité et le développement de l’enfant compromis et ordonne qu’il soit confié à une famille d’accueil pour une année.  L’ordonnance prévoit également que les contacts entre l’enfant et son grand-père maternel, monsieur J2... G..., qui avait assumé sa garde un peu avant cette décision, aient lieu suivant l’entente entre ce dernier et l’intervenant(e) social(e) du directeur de la protection de la jeunesse (DPJ).

(…)

[4] La mère reconnaît qu’elle ne peut, pour l’instant, reprendre la garde de son fils.  Elle serait d’accord pour qu’il soit confié à son grand-père qui, comme on le verra plus loin, fait une telle demande.  Elle demande à voir son fils à toutes les deux semaines et conteste le retrait de certains des attributs de son autorité parentale.

[5] Le grand-père maternel a demandé et obtenu l’autorisation d’intervenir au dossier à titre de partie au litige.  Il soutient que le DPJ a imposé des modalités strictes quant à ses contacts avec l’enfant tout en limitant, unilatéralement, la durée et la fréquence de ceux-ci.  

[6] Le grand-père s’oppose à ce que l’enfant soit confié à une famille d’accueil jusqu’à sa majorité.  Monsieur G... et sa conjointe, madame J3... B..., proposent d’assumer la garde de l’enfant tant et aussi longtemps que la situation l’exigera.  Ils demandent, si l’enfant est maintenu en famille d’accueil, d’avoir des contacts élargis avec lui.

(…)

[41] Le grand-père témoigne dans un premier temps de son implication constante auprès de J... depuis sa naissance.  Il visite l’enfant et sa mère régulièrement lorsqu’ils sont dans la [région A] et soutient, lorsque nécessaire, la mère face à certains besoins financiers.  Il voit aussi souvent la mère et l’enfant lorsqu’ils sont en [région B].  

[42] En septembre 2003, il accepte sans réserve d’assumer, avec sa conjointe depuis plusieurs années, madame J3... B..., la garde de J....  Madame Pauline Truchon leur indique qu’ils doivent emménager dans un logement plus grand (le couple vit dans un appartement de trois pièces) pour assumer la garde de l’enfant.  Le père se dit prêt à faire ce changement auquel sa conjointe n’est pas, pour l’instant, prêt

(…)

[58] Le grand-père, âgé de [...], souhaite assumer la garde de son petit-fils aussi longtemps que ce sera nécessaire.  Monsieur vit une union stable depuis 14 ans avec sa conjointe (qui est plus jeune que lui d’une année) qui est d’accord avec sa demande.  Monsieur, qui travaille à temps plein, semble avoir une vie bien adaptée socialement.  Il soumet que l’enfant continuerait d’aller à sa garderie actuelle qui est, dans les faits, la même que celle qu’il fréquentait lorsqu’il était sous sa garde à l’automne 2003.  Le grand-père dit d’ailleurs à ce sujet « la seule chose qu’il a gardé, comme je l’avais demandé, est sa garderie ».  

[59] Le grand-père reconnaît que la mère d’accueil a assumé adéquatement ses responsabilités envers J... qui évolue très bien auprès d’elle.  Il suggère dans ce contexte que l’intégration de J... auprès de lui soit, si telle est la décision du Tribunal, progressive.  Dans le cas contraire, il demande au Tribunal de déterminer ses droits d’accès pour qu’il ait des contacts réguliers dont certains seraient prolongés.  

(…)

[71] Or, on ne peut prétendre que le DPJ a fait une telle démarche qui implique l’analyse de toutes les alternatives possibles puisqu’il a écarté d’emblée la possibilité de confier l’enfant à son grand-père qui n’a jamais exclu définitivement cette avenue. 

(…)

[76] Dans la présente affaire, l’orientation appropriée pour permettre d’atteindre l’objectif visé par la loi, soit le retour de l’enfant dans son milieu familial, est de confier J... à son grand-père. 

[77] D’abord, il s’agit du milieu familial élargi avec lequel la mère n’est pas, contrairement à ce que l’on peut rencontrer dans plusieurs autres situations, en conflit.  Le grand-père est conscient des difficultés réelles de sa fille, la mère de l’enfant.  Il entretient avec elle une relation à distance sans pour autant fermer la porte à l’aide qu’il pourrait lui apporter si elle assume la part de responsabilités qui lui revient face à sa situation.

[78] En second lieu, le DPJ n’a apporté aucun élément de preuve démontrant l’incapacité du grand-père et de sa conjointe à répondre aux besoins de l’enfant.  Au contraire, sa seule position pour demander que l’enfant soit maintenu auprès de sa famille d’accueil est qu’il « ait investi auprès d’elle ».  Or, cet « investissement » de J... envers sa mère d’accueil a été facilité par l’intervention illégale du DPJ qui a imposé ou collaboré à ce que les modalités soient en place pour qu’il ne maintienne pas de liens avec ceux envers qui il avait par le passé « investi ».   

[79] La courte durée des contacts entre J... et son grand-père, leur faible fréquence, l’imposition de l’échange dans un lieu neutre, non approprié à un enfant de l’âge de J... alors qu’aucun motif clinique ne le justifie, le refus de transmettre des photos sous prétexte qu’elles permettraient possiblement d’identifier le lieu où elles ont été prises, la confidentialité des coordonnées de la famille d’accueil et l’ignorance des conditions du milieu de vie où évolue l’enfant sont autant de décisions ou d’attitudes visant à faciliter la rupture du lien de l’enfant avec son passé et son intégration dans le nouveau milieu de vie choisi pour lui.  

[80] Il serait injuste et inéquitable de poursuivre dans cette voie qui résulte d’une action faite en contravention d’une ordonnance judiciaire, mais surtout des droits de certaines personnes, l’enfant et son grand-père. 

[81] Troisièmement, rien ne permet de conclure que J... ne pourrait pas, alors qu’il n’a pas encore cinq ans, « s’investir »  auprès de son grand-père qui n’est pas un étranger pour lui.  Tout en reconnaissant que J... vivra une certaine rupture affective en quittant sa mère d’accueil, aucun élément de preuve ne permet de conclure que cette situation lui serait fatale.  J... ne quitte pas une famille d’accueil pour en intégrer une autre qui lui est inconnue. 

[82] Par ailleurs, la possibilité d’une intégration progressive auprès de son grand-père, si la mère d’accueil accepte de collaborer à un tel processus, peut amoindrir les difficultés que l’enfant est susceptible de rencontrer. 

Extrait du juge Chirstian J. Brossard dans le jugement Droit de la famille – 191120, 2019 QCCS 2408.

[9] Les Grands-parents de l’enfant sont très présents dans sa vie. Alors que X a 2 ans, les problèmes de consommation de drogue et de toxicomanie de ses parents, l’environnement toxique dans lequel ils évoluent, leurs fréquentations et leurs conflits de couple sont devenus tels qu’ils ne sont plus en mesure d’assumer leur rôle de parents. La Mère est alors âgée d’environ 22 ans.

[ 10] C’est dans ce contexte que, dans l’intérêt de l’enfant, les parents confient la charge et la responsabilité de X aux Grands-parents.

[11] Dès lors, et pour les quelque quatre années qui suivent, c’est-à-dire de quelque part en 2012 jusqu’à la fin de 2016, alors que X atteint l’âge de six ans, les Grands-parents sont dans les faits les parents substituts de X, « à temps plein » pour les trois premières années (puisque X ne fréquente pas la garderie jusqu’à ce qu’elle entre à la maternelle, à l’automne 2015), et ce, sans jamais toutefois couper les ponts avec les parents et sans que ceux-ci soient empêchés de voir leur fille.

[12] Au cours de ces années, les parents déménagent à plusieurs reprises, sans toutefois s’éloigner du domicile des Grands-parents et de X.

[13] Pendant toute cette période, il ne fait pas de doute que la Grand-mère est devenue et a été la figure parentale dominante pour X (au point où celle-ci l’appelle « Maman », malgré que la Grand-mère la corrige) et que les deux conservent à ce jour un lien d’attachement, un lien affectif solide.

[14] En janvier 2014, la situation est formalisée dans une Convention d’accord parental concernant la garde avec une tierce personne. Selon cette entente, l’enfant sera sous la garde des Grands-parents, « c’est-à-dire que la majorité des repas, le bain, le coucher, etc. seront pris en charge par ceux-ci », avec autorité « de prendre des décisions nécessaires à son bien-être », les droits nécessaires aux prises de décisions leur étant accordés, « [la] décision finale restant toujours aux parents ». À n’importe quel moment, toutefois, les parents pourront aviser les Grands-parents qu’ils veulent venir chercher l’enfant. Mais, lorsqu’un des Grands-parents pense qu’il serait néfaste ou dangereux de laisser partir X avec un de ses parents, les Grands-parents pourront refuser de la laisser partir. Par contre, ils devront donner des arguments appuyant cette décision.

3. ADOPTION

3.1 Filiation

 

Art. 523 C.c.Q. La filiation tant paternelle que maternelle se prouve par l’acte de naissance, quelles que soient les circonstances de la naissance de l’enfant.

À défaut de ce titre, la possession constante d’état suffit.

Art. 529 C.c.Q. On ne peut contredire par la seule reconnaissance de maternité ou de paternité une filiation déjà établie et non infirmée en justice.

 

3.1.1 Modification de la filiation lors d’une adoption 

 Art. 577 C.c.Q. L’adoption confère à l’adopté une filiation qui succède à ses filiations préexistantes.

Cependant, dans le cas d’une adoption par le conjoint du père ou de la mère de l’enfant, la nouvelle filiation succède uniquement à celle qui était établie avec l’autre parent, le cas échéant.

Quoiqu’il puisse y avoir une reconnaissance de ses liens préexistants de filiation, l’adopté cesse d’appartenir à sa famille d’origine, sous réserve des empêchements de mariage ou d’union civile.

Art. 577.1 C.c.Q. Lorsque l’adoption est prononcée, les effets de la filiation préexistante prennent fin. L’adopté et le parent d’origine perdent leurs droits et sont libérés de tout devoir l’un envers l’autre. Le tuteur, s’il en existe, perd ses droits et est libéré de ses devoirs à l’endroit de l’adopté, sauf de son obligation de rendre compte. Il en est de même lorsqu’un certificat d’adoption coutumière autochtone est notifié au directeur de l’état civil, sous réserve de dispositions contraires conformes à la coutume autochtone mentionnées au certificat.

 Art. 578 C.c.Q.  L'adoption fait naître les mêmes droits et obligations que la filiation par le sang.

Toutefois, le tribunal peut, suivant les circonstances, permettre un mariage ou une union civile en ligne collatérale entre l'adopté et un membre de sa famille d'adoption.

3.1.2 Exception pour favoriser l’intérêt de l’enfant

 

Art. 33 C.c.Q.  Les décisions concernant l'enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits.

Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l'enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation.

Art. 612 C.c.Q. Les décisions qui concernent les enfants peuvent être révisées à tout moment par le tribunal, si les circonstances le justifient.

Extrait de la juge Nicole-M. Gibeau dans le jugement Droit de la famille – 192315, 2019 QCCS 4820.

[15] D’abord, l’adoption de X a effacé sa filiation d’origine. L’article 611 C.c.Q. n’est d’aucune utilité légale pour S..., grand-père biologique.

[16] En revanche, le critère de l’intérêt de l’enfant permet néanmoins au Tribunal d’entendre des demandes de droits d’accès présentées par un parent biologique de l’enfant adopté.

[17] Il en découle que S... est un tiers par rapport à X. Il ne bénéficie donc pas d’une disposition spécifique présumant le bien-fondé de sa relation avec cette enfant.

[18] L’article 33 C.c.Q. n’est pas attributif de droits en tant que tel; la décision d’octroyer ou non à un tiers des droits d’accès est prise dans le seul intérêt de l’enfant et dans le respect de ses droits.

(…)

[25] Aujourd’hui âgée de 10 ans, X ne veut pas avoir de contacts avec S.... Bien que le désir d’enfants de cet âge ne soit pas déterminant, il doit être sérieusement pris en considération.

Le juge André Prévost résume ainsi l’état actuel du droit dans le jugement M.M. c. S.B.T., [2006] R.D.F. 53 (C.S.) :

« a) le régime d'adoption au Québec est fermé, c'est-à-dire que tout lien avec la filiation d'origine disparaît;

b) dans l'attribution d'un droit d'accès, la famille biologique est considérée comme un tiers;

c) un droit d'accès ne sera accordé que dans l'intérêt de l'enfant. »

Extrait du juge Thomas M. Davis dans le jugement Droit de la famille – 17904, 2017 QCCS 1705.

[3]  Par une requête du 17 juillet 2014, Mme P... demande que ses accès auprès de sa petite-fille soient ordonnés par le tribunal. Un consentement final et certains droits d’accès sont convenus entre les parties. Le consentement est entériné par un jugement de la juge Gibeau, le 13 avril 2015.

[4]  Monsieur C... demande maintenant que les droits reconnus par ce jugement soient annulés. 

[5]  Par ailleurs, avant la requête de M. C..., Mme P... avait demandé que certains de ses accès soit précisés, vu certaines difficultés pour elle d’exercer les accès convenus en avril 2015.  M. C... estime cette requête irrecevable, car sa nouvelle conjointe Mme F... a adopté X. Elle intervient au dossier pour appuyer M. C.... 

(…)

[19] Les accès arrêtent entre juin 2014 et avril 2015, moment où les parties conviennent d’une entente qui accorde les accès suivants à Mme P... :

(…)

[20] Ce consentement est homologué par un jugement final de la juge Gibeau.

(…)

[37] Il n’y a aucun doute que son intérêt milite vers la poursuite d’un contact important avec Mme P...; mais qu’en est-il du fait que Mme P... n’a plus le statut de grand-mère?  

[38] Lorsqu’un enfant est adopté la filiation est modifiée. Le Code civil du Québec traite de la question dans les articles suivants :

Art. 577.  L'adoption confère à l'adopté une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine.

L'adopté cesse d'appartenir à sa famille d'origine, sous réserve des empêchements de mariage ou d'union civile.

Art. 578.  L'adoption fait naître les mêmes droits et obligations que la filiation par le sang.

Toutefois, le tribunal peut, suivant les circonstances, permettre un mariage ou une union civile en ligne collatérale entre l'adopté et un membre de sa famille d'adoption.

[…]

Art. 579. (Maintenant l’art. 577.1 C.c.Q)  Lorsque l'adoption est prononcée, les effets de la filiation précédente prennent fin; le tuteur, s'il en existe, perd ses droits et est libéré de ses devoirs à l'endroit de l'adopté, sauf l'obligation de rendre compte.

Cependant, l'adoption, par une personne, de l'enfant de son conjoint ne rompt pas le lien de filiation établi entre ce conjoint et son enfant.

[39] On voit donc par l’opération de la loi qu’il n’y a plus de filiation entre X et Mme P....

[40] Toutefois, en soi, cela ne mène pas à la conclusion recherchée par M. C... et Mme F..., soit que Mme P... n’a pas l’intérêt juridique requis pour présenter sa requête.

[41] Cette question a été traitée par le juge Prévost dans M.M. c. S.B.T.[9].  Se référant à l’arrêt de la Cour d’appel dans Droit de la famille — 1873[10] et à l’auteur Michel Tétrault[11], il explique à juste titre que les parents adoptifs d’un enfant ont le droit de s’attendre à ce que la famille biologique n’intervienne plus dans la vie de l’enfant adopté.

 [42] Des accès à un membre de la famille biologique ne peuvent être accordés que si de tels accès sont dans l’intérêt de l’enfant. Le juge Prévost résume la situation en ces termes:

[30] L'intérêt de l'enfant est d'ailleurs codifié à l'article 33 C.c.Q. :

Art. 33.  Les décisions concernant l'enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits.

Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l'enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation.

[31] On peut donc résumer ainsi l'état du droit sur la question :

a) le régime d'adoption au Québec est fermé, c'est-à-dire que tout lien avec la filiation d'origine disparaît;

b) dans l'attribution d'un droit d'accès, la famille biologique est considérée comme un tiers;

c) un droit d'accès ne sera accordé que dans l'intérêt de l'enfant[12].

[43] Dans le présent dossier, il y a un élément important dont le Tribunal doit traiter dans son analyse de l’intérêt de X, soit l’effet du jugement du 13 avril 2015. Rappelons que dans l’entente entérinée par ce jugement, les parties s’entendaient pour que Mme P..., à ce moment la grand-mère de X, puisse avoir des accès. On peut conclure que les accès par Mme P... étaient réputés être dans l’intérêt de X.

[44] Vu ce jugement, le Tribunal doit-il tenir compte de l’article 612 C.c.Q. comme le veut Mme P...?

[45] L’article se lit : 

612.  Les décisions qui concernent les enfants peuvent être révisées à tout moment par le tribunal, si les circonstances le justifient.

[46] Dans Droit de la famille — 071016[13], le juge De Wever se sert de l’article 612 C.c.Q. en conjugaison avec l’article 33 C.c.Q. pour traiter des demandes de modifications de régime de garde et d’accès des parents auprès de leurs enfants. La juge Kear-Jodoin applique les mêmes articles dans Droit de la famille — 132652[14].

[47] Le Tribunal estime que l’article 612 C.c.Q. s’applique également au présent débat. L’adoption de X par Mme F... n’a pas rendu le jugement d’avril 2015 caduc. Par contre, l’adoption est un élément important que le Tribunal doit considérer pour décider si ce jugement doit être révisé. Bien sûr, il va devoir appliquer l’article 33 C.c.Q. également.

(…)

[61] Il conclut que X est la personne qui va souffrir advenant que le Tribunal met fin aux contacts entre elle et Mme P.... Elle a déjà vécu le deuil de sa mère et elle risque de vivre un autre deuil si on la prive de contacts avec Mme P....

[62] Finalement, il explique que la décision de priver X de ces contacts pourrait mal tourner pour M. C... et Mme F.... Quand elle sera adolescente, il est probable que X leur posera des questions sur les raisons de la perte des contacts avec Mme P... et pourrait les blâmer d’avoir mis fin à cette relation.

[63] Devant une telle preuve, le Tribunal ne peut que conclure que l’intérêt supérieur de X favorise le maintien des contacts. (…)



[1] Droit de la famille – 2216, 1995 R.J.Q 1734.

[2] Droit de la famille - 16787, 2016 QCCS 1526.

[3] Droit de la famille – 131416, 2013 QCCS 3173.

 [4]Droit de la famille — 172486, 2017 QCCA 1637, par. 13, p.5.

[5] Droit de la famille – 171200, 2017 QCCS 2298.

 [6] Droit de la famille – 073273, 2007 QCCS 6216.

 [7] Michel Tétrault, Droit de la Famille, 3e Édition, Éditions Yvon Blais, 2005, page 1655.

 [8] Droit de la famille - 072232, 2007 QCCA 1180.

 [9] M.M. c. S.B.T., [2006] R.D.F. 53 (C.S.).

[10] Droit de la famille — 1873, [1994] R.J.Q. 1787 (C.A.).

[11] Michel TÉTRAULT, Droit de la famille, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005. p. 1212.

[12] M.M. c. S.B.T., [2006] R.D.F. 53 (C.S.).

[13] Droit de la famille — 071016, 2007 QCCS 2061.

[14] Droit de la famille — 132652, 2013 QCCS 4753.



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Article 611 :
« Les pères et mères ne peuvent, sans motif grave, faire obstacle aux relations personnelles de l’enfant avec ses grands-parents. À défaut d’accord entre les parties, les modalités de ces relations sont réglées par le tribunal. »

Article 33 :
« Les décisions concernant l’enfant doivent être prises dans son intérêt et dans le respect de ses droits. Sont pris en considération, outre les besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques de l’enfant, son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation. »

Article 577 :
« L’adoption confère à l’adopté une filiation qui se substitue à sa filiation d’origine. L’adopté cesse d’appartenir à sa famille d’origine ». Pour les grands-parents cela signifie qu’en cas d’adoption de leurs petits-enfants, ils deviennent des étrangers aux yeux de la loi.

Nous vous invitons à consulter ce document, lequel résume bien la jurisprudence québécoise en matière de droits des grands-parents.


Jugements illustrant comment les tribunaux traitent les requêtes des grands-parents.

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